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 Le cours du Nil et ses variations (autour du site de Karnak) -Luc Gabolde, Karnak-Amon-Rê

 

1- Généralités

 

* Le mouvement des rives du Nil est capricieux.

 

* Vers - 1 000 000 le Nil était plus pentu, la forte érosion des hauts plateaux rocheux entraîna le transport de galets roulés (comme on peut le voir dans la Durance). Il y eut par la suite un apport de limons et l'apparition de levées sous les couches de limon.

L'amoncellement de sables, graviers et galets forma des éminences: points hauts hors d'atteinte des crues moyennes.

 

* Aujourd'hui la pente du Nil est faible : 0,008% et les boucles du fleuve glissent vers l'aval par la dynamique de transport et dépôt des éléments en suspension.

Pendant la crue, le Nil sort de son lit, ce qui ouvre la voie à des changements de direction du cours du fleuve.

Des dépôts s'accumulant peuvent former des îles, voire fermer le chenal et entraîner l'ouverture d'un nouveau chenal (c'est la défluvaition).

Le déplacement latéral est estimé à 2 à 3 Km par millénaire.

 

*La crue:

Le Nil est au plus bas entre le 15 mai et le 7 juin, puis il gonfle et déborde à partir du 7 août. Le maximum de la crue se situe le 10 septembre puis il décroît et rejoint son lit le 1er novembre.

Lors de la crue, la dynamique est forte et à contrario, elle est très faible pendant la décrue, les eaux sont alors presque stagnantes ce qui entraîne le dépôt de limon.

 

* Le niveau de la Méditerranée joue également un rôle: plus il est bas, plus la pente est marquée et donc plus le dépôt est faible. Lorsque Thèbes quitte la Préhistoire, la mer a monté et nous sommes dans une ère de sédimentation plus élevée.

 

* Le dépôt dans le lit principal ( où le courant est toujours présent) devrait être  moins important que dans la plaine inondable (où l'eau devient stagnante), cependant, plus on s'éloigne du lit, plus les éléments déposés sont fins et moins la couche est épaisse.

Lorsque le Nil sort de son lit, le limon s'accumule sur l'escarpement  des berges à proximité immédiate et il y a par conséquent  souvent des levées le long des rives.

 

* Il faut noter aussi l'existence de dépôts anthropiques qui sont des élévations liées aux constructions et destructions successives  et dans lesquels se trouvent des briques crues, des débris de céramique ...

 

 

 

 

2- Le Nil sur le site de Thèbes

 

* Au niveau de Louxor, la vallée est légèrement rétrécie, encadrée par deux formations calcaires:

- au nord-ouest, la montagne thébaine- Al-Tarif

- à l'est, un djébel peu élevé

- Au sud-est: un contrefort de la grande barrière calcaire.

Ceci entraîne la formation d'un coude marqué à angle droit du Nil vers le nord-est, au sud de Louxor.

Après le coude se trouve une zone de dépôts entraînant la formation d'îles: les bras apparaissent et disparaissent donnant une formation tressée.

 

* Dans la montagne thébaine se trouvent de nombreux ouadis. A leur confluent avec le Nil se forment des bancs de graviers ou de galets pouvant conduire à la création d'îles, de cônes de déjection dans le Nil.

Plus particulièrement, un ouadi venant de la Vallée des Rois, de la Vallée de l'ouest, de Dra Abou el-Naga et de Deir el-Bahari se jette presqu'en face de Karnak et est responsable des dépôts et levées à ce niveau.

 

* Tout ceci conduit à postuler qu'à l'origine, le Nil passait à l'est du site du futur temple de Karnak.

 

*La carte de La Description de l'Egypte (1798- 1801) montre qu'une courbe éloignait le fleuve à hauteur de Karnak jusqu'à 850m du quai-tribune actuel.

Rappelons qu'aujourd'hui il se situe à 44Om du quai.

 

3- Le Nil sur le site de Karnak

 

* Vers  -200  -100, le quai donnait sur un bras du fleuve  face à "l'île d'Amon" surnommée "la Neuve".  On a plusieurs témoignages textuels de la présence d'îles à Thèbes à l'époque pharaonique: des îles n'ont jamais cessé de se former et pour certaines d'entre elles de s'agréger à la rive orientale du fleuve au moins depuis l'époque ramesside mais sûrement bien avant.

 

* Une synthèse peut être faite d'après les différentes ressources dont nous disposons:

- En ce qui concerne le mouvement général du fleuve: sa position actuelle est à 440m à l'ouest du quai-tribune. On note un déplacement global du fleuve vers l'ouest.

 

-Préhistoire:

On est en présence d'une éminence sur la rive gauche sur les levées engendrées par le cône de déjection du ouadi issu des deux vallées: le Nil passait à l'est du futur site de Karnak.

 

-Ancien Empire:

Un bras s'est formé à l'ouest transformant l'éminence en île: le site est abandonné, recouvert lors des crues exceptionnelles par un limon organique noirâtre d'environ 60cm, vierge de tout matériel.

Le bras ouest s'élargit peu à peu alors que le bras est s'aminçit et s'assèche.

 

-Première Période Intermédiaire et début de la XIème dynastie:

*L'île est rattachée à la rive orientale et est de nouveau occupée alors qu'une partie de la rive occidentale est engloutie

 

*On observe une installation sur une éminence au sud-est de l'emplacement du Lac sacré et une autre dans le secteur nord-ouest (tombeau d'Osiris), on suppose que les deux étaient reliées.

Dans la partie centrale (zone du temple d'Amon), une île ou terre basse devait émerger progressivement.

 

- Moyen Empire- Fin de la XIème dynastie- Début de la XIIème dynastie:

* Cette langue de terre nouvelle devait être reliée récemment à la rive est.

*A la fin de la XIème dynastie, un remblai artificiel a été aménagé au-dessus de la berge pour protéger des crues le site où fut établi un temple avec des fondations de murs en briques crues. Ces murs sont antérieurs à Sésostris Ier et ont été détruits à son époque lors de la construction du "Grand Château d'Amon" qui gardera la même orientation.

 

-Moyen Empire- Sésostris Ier:

*La construction du temple nécessita une extension des limites du domaine.

* Il devait y avoir deux éminences: l'une correspondait au site du temple d'Amon de Sésostris Ier, l'autre soit au site de la Chapelle Blanche, soit une autre installation.

* Au sud-ouest du site, une nouvelle île destinée à s'agréger à la rive orientale semble avoir accueilli les prémices des cultes de Khonsou et d'Opet.

 

-Nouvel Empire: Thoutmosis III

* On observe une considérable extension du bâti en pierres de taille nécessitant des terrassements importants.

* Il est possible qu'il y ait eu la formation d'une île à l'ouest qui se serait rattachée à la rive orientale.

 

-Nouvel Empire- Fin de la XVIIIème dynastie:

* La rive du Nil s'est éloignée vers l'ouest (par accrétion d'une île). Il a donc fallu aménager un bassin autour du quai-tribune et creuser un canal pour rejoindre le Nil. La procession de la Fête d'Opet se faisait à l'aller comme au retour par voie fluviale.

* A l'est, on a le comblement du bras du Nil pour la construction du Gem-pa-Aton d'Aménophis IV.

 

-Troisième Période Intermédiaire et Basse Epoque- Epoque kouchito-saïte:

*Entre la fin de la XVIIIème dynastie et cette époque, on a un recul vers l'est de la berge, le canal de jonction et le bassin disparaissent. De nouveaux quais sont construits au droit de la limite ouest de la tribune (XXV-XXVIème dynasties).

 

-Epoque ptolémaïque et romaine:

* Sous Ptolémée IV, le quai saïte est démantelé. Des bains sont installés côté nord de la tribune (démontés sous Ptolémée VIII).

*Un  petit bras du Nil (canal d'Amon) sépare la rive de Karnak d'une île nommée Tamaut.

Le petit bras finit par s'assécher, l'île d'Amon rattachée à la terre et la rive orientale projetée vers l'ouest.

 

 

 

 

 

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